

Bertrand Belin : dans son moulin à paroles (2/3)
Une création deRichard Gaitet
Le chanteur vif-argent et son usine intime
Une création de
deRichard Gaitet
Date de publication
26 août 2025
Enregistrement
avril 2025
Entretien, découpage
Richard Gaitet
Prise de son
Mathilde Guermonprez
Montage
Mathilde Guermonprez, Étienne Bottini
Réalisation, mixage
Charlie Marcelet
Musiques originales
Samuel Hirsch
Vibraphone
Cyprien Noble
Illustration
Sylvain Cabot
Remerciements
Loyse Dodinot-Plunian, Loo Hui Phang, Mina Souchon
Énigmatique de sa personne, dans ses effets fort économe, l’homme (comme son verbe) désarçonne. Pour Bertrand Belin, « les chansons sont faites d’une substance instable, comme de la nitroglycérine, à transporter en essayant de ne pas trop en renverser ». L’auteur rapide de « Lentement » et de « Glissé-redressé » négocie donc « avec la plasticité des mots », apprécie « les syntaxes un peu dégradées, les contraires, les accidents de grammaire », dynamite les interprétations en s’estimant « contenu dans une nécessaire discrétion ». Dans ses chansons, il « parle en fou » ou affronte, « résigné, devant le mal », un colosse parental. Et ajoute : « J’aime l’opacité. Beaucoup. L’incompréhensible et le merveilleux que cela comprend. Pour faire jaillir des possibilités de sens qui ne sont pas le fruit de la raison. »
En conséquence, ses vers « bêchent la terre gelée » de sentiments complexes ou dessinent « des silhouettes » : celles de clochards sur des bancs « mal gaulés » ou celle d’une femme « moitié folle, qui donne des ordres au soleil ». Son minimalisme, qui flirte parfois avec l’hermétisme, lui permet ainsi de diminuer « le risque du compromis ». Car « trop en dire » le « déçoit toujours ».
Sûr de sa force « bertran-quille » portée par son flegme vocal désormais légendaire, le chanteur vif-argent nous ouvre ici les portes de son usine intime, le moulin de Belin, lui qui affirme que ses textes… « ne sont pas écrits, passant directement de l’esprit à l’enregistrement ». Dans ce deuxième épisode, nous essaierons de le croire sur parole(s).
L’auteur du mois : Bertrand Belin
Né en 1970 à Auray, Bertrand Belin est musicien, écrivain et acteur, toujours à la recherche « du mot juste, du beau geste ». Depuis vingt ans, du premier album remarqué qui porte son nom (2005) à « Tambour Vision » (2022), sans oublier « Hypernuit » (grand prix de l’académie Charles-Cros en 2010), ce drôle d’oiseau du Morbihan, au timbre grave et envoûtant, « survole nos villes et nos campagnes » avec, sous son aile, de mystérieuses ritournelles. « Que dit-on en chantant que l'on ne saurait dire en parlant simplement ? Pourquoi chanter une chose ? », se demandait-il en 2012 dans son premier livre, un court essai intitulé « Sorties de route ». Bertrand Belin est également l’auteur d’une poignée de brefs romans intrigants aux éditions POL. Il vit à Paris et publiera en octobre 2025 son huitième album solo, « Watt », annoncé comme « tendre, grave et gracieux, avec des divertissements ».
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Née à Genève en 1973, « obsédée par le fait de lire, de s’informer et de changer le monde », la journaliste suisse Mona Chollet est devenue pour toute une génération de féministes un modèle d’intelligence, de sensibilité et de précision. Depuis le début des années 2000, via une dizaine d’essais érudits (« Beauté fatale », « Sorcières », « Réinventer l’amour »), elle analyse remarquablement les mécanismes de domination (masculine, capitaliste, professionnelle – ou les trois à la fois), en partageant son admiration pour la poésie de Mahmoud Darwich ou la prose engagée de Susan Sontag, pour les séries « Mad Men » ou « La Fabuleuse Madame Maisel », le tout entremêlé de confidences personnelles ou tirées de son cercle d’amies. Elle vit et travaille à Paris.

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