

Murielle Joudet : critique, éthique et tics, aïe-aïe-aïe (3/3)
Une création deRichard Gaitet
Enquêtrice de la fabrique des images
Une création de
Richard Gaitet
Date de publication
7 octobre 2025
Enregistrement
juillet 2025
Entretien, découpage
Richard Gaitet
Prise de son
Mathilde Guermonprez
Montage
Étienne Bottini
Réalisation, mixage
Charlie Marcelet
Musiques originales
Samuel Hirsch
Harpe, flûte, clarinette, cor, basson, xylophone, timbales et gong
Xavier Thiry
Illustration
Sylvain Cabot
Murielle Joudet le répète à l’envi : « Il faut prendre les actrices au sérieux, restituer avec justice et justesse leur importance dans nos vies, prendre en compte comment certaines ont su manœuvrer pour continuer d’apparaître telles qu’en elles-mêmes, y compris dans des films où le regard masculin est apparemment tout-puissant. Sans pour autant tomber dans l’illusion de leur liberté absolue car, bien sûr, l’industrie est là, souveraine. » Dans son troisième livre plein d’esprit, La seconde femme, elle dresse huit portraits de comédiennes qu’elle observe « jusqu’à plus soif » pour comprendre ce que Nicole Kidman, Meryl Streep, Brigitte Bardot ou son idole Bette Davis réussirent à imposer au système dans le deuxième acte de leur carrière – à force de travail, de bâtons de dynamite ou de simple désertion.
Ces derniers temps, Murielle Joudet a aimé Monte-Cristo version Pierre Niney, Max Mad : Furiosa, Joker 2, Bridget Jones 4, France de Bruno Dumont, The Substance de Coralie Fargeat, Anora de Sean Baker ou Spring Breakers d’Harmony Korine. Des coups de cœur éclectiques, qui se comptent chaque année sur les doigts d’une main. « Habituellement, confie-t-elle, on peut écrire le texte dans sa tête pendant la projo, on sait exactement ce qu’on pense du film à la sortie et la plupart des œuvres font de moi une critique snob et blasée. Mais une ou deux fois par an, un film me désarme complètement. »
En conséquence, cette spectatrice exigeante préférera toujours « voir cinquante fois un chef-d’œuvre plutôt qu’une fois une œuvre plaisante », selon la formule de la cinéaste et écrivaine Catherine Breillat, femme « scandale » à laquelle Joudet consacre en 2023 un recueil d’entretiens, Je ne crois qu’en moi, sacré meilleur ouvrage français sur le cinéma par le Syndicat de la critique.
Dans ce troisième et dernier épisode, Murielle Joudet réaffirme ses envies d’enquêtes sur la fabrique des images, en « calmant ses envies de style, sans chercher l’éclat à tout prix ». Tout en rappelant l’existence d’un collectif qui ne manquera pas de fédérer des vocations : « Pigistes en pyjama ».
L’autrice du mois : Murielle Joudet
Née en 1991 à Paris, Murielle Joudet est critique de cinéma dans la presse (Le Monde), à la radio (sur France Inter pour Le masque et la plume), en ligne (dans le podcast Sortie de secours ou via l’émission Dans le film sur le site Hors-Série) ou pour la Cinémathèque française. Elle a publié quatre ouvrages qui documentent avec rigueur des façons de défier les conventions, en tant que femme, dans l’industrie du 7e art : Isabelle Huppert – vivre ne nous regarde pas (Capricci, 2018), Gena Rowlands – on aurait dû dormir (Capricci, 2021), La seconde femme – ce que les actrices font à la vieillesse (Premier Parallèle, 2022) et un recueil d’entretiens avec la cinéaste Catherine Breillat, Je ne crois qu’en moi (Capricci, 2023). Elle vit et travaille à Paris.
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Bertrand Blier : Tenue de stylo (2/2)
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Bookmakers #18 - L’écrivain du mois : Bertrand Blier
« Quand on écrit, on est un gangster impuni, jamais attrapé. » Né en 1939 à Boulogne-Billancourt, Bertrand Blier est l’auteur-réalisateur de dix-neuf longs-métrages qui l’ont imposé comme l’un des francs-tireurs du cinéma français, du documentaire « Hitler… connais pas ! » (1963), jusqu’à « Convoi exceptionnel » (2019). Parmi ses hold-ups, citons ses 5,7 millions d’entrées avec un film culte, violent, drôle et choquant, « Les Valseuses » (1974) ; l’Oscar du meilleur film étranger pour « Préparez vos mouchoirs » (1978) ; ses trois Césars du scénario (1980, 1985, 1989), pour « Buffet froid », « Notre histoire » et « Trop belle pour toi », ce dernier film remportant également le Grand Prix du festival de Cannes ; sans oublier le grand prix européen de la Mostra de Venise, pour « 1, 2, 3, soleil » (1993).
Entre les tournages, Blier écrit du théâtre et des romans pleins de verve et d’humour désespéré, dont le très réjouissant « Fragile des bronches » (2022, Seghers, avec la collaboration de la journaliste Eva Bester), récit réinventé de son adolescence, entre premier amour, quintes de toux et naissance de sa vocation.
En partenariat avec Babelio.
(2/2) Tenue de stylo
Bertrand Blier démarre souvent ses scripts en utilisant des poncifs ou des structures dramatiques classiques qu’il « retourne comme un gant », pour « briser les émotions et le confort intellectuel » du public. En soixante ans de carrière, notre hôte s’est appliqué à déconstruire ses récits, piéger et déconcerter le spectateur, comme avec le jeu de massacre de « Buffet froid » (1979), l’histoire d’amour racontée dans le désordre de « Trop belle pour toi » (1989), les labyrinthes métaphysiques spatio-temporels de « Merci la vie » (1991) ou la panique de l’écrivain alcoolique forcé de cohabiter avec son cancer personnifié dans « Le bruit des glaçons » (2010).
Souvent inspirées, ses expériences narratives aiment « jouer des impasses, des doutes, des bifurcations », comme l’écrit le critique Vincent Roussel dans « Bertrand Blier, cruelle beauté » (Marest, 2020). » Dans un salon du neuvième arrondissement de Paris, les deux protagonistes du premier épisode se recalent dans leur fauteuil pour le dernier acte de ce dialogue – avant l’entrée d’un troisième personnage, qui était là depuis le début.
NB : afin d’appuyer les propos de Bertrand Blier, ce numéro contient de brefs dialogues tirés des films suivants, dont tous les scénarios ont été écrits par lui : « Laisse aller, c’est une valse », réalisé par Georges Lautner, et « Les Valseuses », « Préparez vos mouchoirs », « Beau-père », « Buffet froid », « Tenue de soirée », « Notre histoire », « Trop belle pour toi », « Merci la vie », « Mon homme », « Les Acteurs », « Combien tu m’aimes ? », « Le Bruit des glaçons » et « Convoi exceptionnel », réalisés par Bertrand Blier. Ces films sont disponibles en DVD/VOD chez Studio Canal. On entendra également Une « version de travail » du monologue introductif de « Beau-père » lue par Bertrand Blier sur une musique de Philippe Sarde, éditée par Universal.

Mohamed Mbougar Sarr : Mohamed compte triple (1/3)
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Premier écrivain d’Afrique subsaharienne consacré par le prix le Goncourt, Mohamed Mbougar Sarr est dans Bookmakers.

Bookmakers
Un podcast qui écoute les écrivains détailler leurs secrets d’écriture, comme une plongée dans le making-of de la littérature.